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Une nouvelle géographie de la ressource
Nous avons vu la semaine dernière que la Suède importe des déchets pour produire de l'énergie. Est-ce que demain nos déchets vont circuler librement en Europe, comme les individus ou les capitaux ?
Cela étant, certaines frontières s’ouvrent quand deux pays voisins le décident. C’est le cas de l'Allemagne et des Pays-Bas : les déchets banals néerlandais peuvent être traités en Allemagne et inversement. SUEZ a d'ailleurs installé une unité de valorisation énergétique sur la frontière entre ces deux pays, avec une entrée en Allemagne et une autre aux Pays-Bas, pour justement bénéficier de cette spécificité transfrontalière. Dans ce contexte particulier, être présent dans les deux pays est donc, pour notre Groupe, un atout indéniable.
Les déchets dangereux, quant à eux, peuvent bénéficier d’autorisations européennes pour circuler, être exportés, puis traités dans d’autres pays. Tous les pays ne disposent pas, en effet, des équipements et savoir-faire nécessaires. La création d’IWS, notre BU pan-européenne spécifiquement dédiée au traitement des déchets dangereux, nous permet ainsi d’optimiser la saturation de nos outils industriels partout en Europe.

Erik Orsenna et Jean-Marc Boursier
Dans ce cas, comment expliquer que la Suède importe des déchets ?
La question est donc de savoir à quel moment de la chaîne de valeur le déchet devient une ressource. Si je prends l'exemple d’une bouteille en plastique, elle devient un déchet lorsque nous la jetons dans une poubelle de tri. En revanche, une fois triée, lavée et transformée en granulés pouvant être utilisés comme matière première secondaire dans la production de nouvelles bouteilles, elle devient produit puisqu’elle se compare à des granulés de plastique vierge. Ces granulés recyclés pourront donc librement voyager. Il y a donc pratiquement toujours un moment dans la chaîne de transformation où le déchet devient un produit, une ressource.
Erik ORSENNA : Quand on parle de déchet on envisage un coût pour s’en débarrasser, de l’ordre de 100€ la tonne. En revanche, dès lors que ce déchet a été revalorisé et est devenu ressource, il a alors un prix et non plus un coût !
JMB : La remarque d’Erik est très pertinente. Prenons un autre exemple pour comprendre la complexité de la valorisation des déchets et la manière dont ils deviennent des ressources. Dans une même poubelle, une feuille de papier et une peau de banane mélangées sont des déchets. Ils ne pourront donc pas être transportés au-delà de la zone de gestion réglementaire, qu’il s’agisse de l’échelle d’une région ou d’un pays. En revanche, si je trie et sépare ces deux déchets, alors je peux en faire deux matières qui chacune pourra être transformée à nouveau.
Qu'est-ce qui différencie un déchet d'une matière première secondaire ? A quel moment un déchet devient-il une ressource ?
JMB : C'est une question de réglementation subtile à laquelle SUEZ est confronté tous les jours. En Europe, la réglementation est très stricte : le déchet doit être collecté, traité, éliminé ou valorisé d'une certaine manière. Et il appartient à chaque État de décider à quel moment du processus le déchet devient une matière, une ressource. Je reviens sur mon exemple de la peau de banane et du papier : s’ils sont mélangés c'est un déchet. L’export est donc interdit. Mais une fois séparés et valorisés, la loi prévoit que le compost réalisé à partir de la peau de banane peut être exporté. Idem pour le papier recyclé ! SUEZ exporte d’ailleurs de gros volumes de papier en Chine depuis l'Europe.
EO : J'ai travaillé sur le papier. C'est un sujet passionnant. Les Chinois ont des besoins très importants en papier, et plus précisément de carton, pour emballer les produits qu'ils exportent. Or, ils manquent de bois dont ils pourraient extraire la cellulose nécessaire à la fabrication de ces cartons, et ont donc besoin d’importer du papier. C’est pourquoi les containers entiers, qui arrivent chargés de bien de consommation en Europe, repartent pleins d’emballages papier et carton en Chine.
JMB : Sachant que, fin 2016, cela coûtait moins à SUEZ d’affréter un container d'Europe vers Shanghai que d'envoyer un camion de Paris à Reims…C’est moins vrai aujourd’hui.
Peut-on dire qu’un pays a intérêt à valoriser ses déchets pour les exporter ?

Erik Orsenna
Existe-il des produits de notre quotidien qui se retrouvent disséminés aux quatre coins du globe une fois revalorisés ?
Certains véhicules seront quant à eux remis en état de circulation puis revendus.
JMB : Erik fait référence au partenariat que nous avons avec Renault au sein de « Indra ». Renault a pris beaucoup d'avance en matière environnementale à travers une double approche. Tout d’abord, l’idée était de réduire son empreinte environnementale en limitant le nombre de véhicules qui s’entassaient dans les casses automobiles, dégradant l’image de la marque. Ensuite, Renault souhaitait participer à la revente de pièces détachées, marché en essor et dont il était absent.
Ce mouvement a été accompagné en France par une évolution réglementaire, qui oblige désormais les garagistes, depuis le 1er janvier 2017, à proposer une alternative aux pièces détachées neuves en commercialisant des pièces d’occasion. Au sein d’Indra, SUEZ et Renault ont la capacité de certifier que les pièces détachées réinjectées dans la filière respectent les normes de qualité. Ces pièces vont donc être autorisées pour une seconde vie sur le marché d’occasion.
Au final, Indra réoriente ainsi une partie des pièces ou des véhicules en Afrique, alors qu’une autre partie est réintroduite sur le marché français des pièces d’occasion.
EO : J’ai vu également cette approche dans le secteur aéronautique où SUEZ a créé une joint-venture avec Airbus et Safran pour le recyclage des avions en fin de vie. Le raisonnement est le même : les constructeurs aéronautiques ne souhaitaient plus voir des montagnes d'avions dans le désert, qui donnent une image environnementale dégradée de leur secteur. Et ils souhaitaient contrôler le marché de la revente. C’est notamment le cas pour les moteurs, avec une certification et une traçabilité.
Au final, comment définir l’intervention de SUEZ sur ces enjeux ?
JMB : En lien avec notre positionnement sur la révolution de la ressource, nous nous définissons comme un fournisseur de ressources secondaires et d'énergie renouvelable. Nous avons recyclé et revendu en Europe 8,5 millions de tonnes de matières premières secondaires en 2016, dont environ 2,7 millions de tonnes de papier carton, 2 millions de tonnes de métaux ferreux et non ferreux, 1 million de tonnes de bois, 1 million de tonnes de matière organique, 600 000 tonnes de verre ou encore 350 000 tonnes de plastiques. Et notre implantation dans l’ensemble des grands marchés européens et mondiaux nous permet de tirer profit de ces transferts internationaux de matières.
Nos clients aval sont très exigeants et attendent de nous 3 choses :
- De la qualité : pouvoir leur garantir que les ressources secondaires seront irréprochables et en tous points conformes à leurs attentes,
- Un prix compétitif : nous devons développer des filières nouvelles dont le coût doit être comparable voire inférieur à celui de la matière vierge. Le succès de la croissance verte ne doit pas se faire au détriment de la compétitivité de nos clients.
- De la récurrence et de la traçabilité comme la loi nous y oblige. Le rôle de SUEZ Trading à cet égard est primordial.
Je suis persuadé que, dans le monde nouveau qui s’offre à nous, SUEZ a toutes les cartes en main pour réussir.