
Sensibilisation et prévention déchets auprès des citoyens : quand la psychologie sociale guide les actions sur le terrain
Anne, pouvez-vous nous parler de la psychologie sociale et de son application dans le domaine des déchets ?
La psychologie sociale est une discipline scientifique des Sciences Humaines et Sociales, qui s’intéresse aux comportements des individus dans leurs environnements sociaux, c’est-à-dire en interactions avec les autres au sein de leur groupe, leur environnement physique et symbolique.
Mon métier consiste à appliquer cette science aux questions environnementales et notamment au sujet des déchets. J’étudie la manière dont les usagers perçoivent et gèrent leurs déchets, la représentation qu’ils en ont, les déterminants de leurs comportements et également ce qui peut favoriser ou freiner les changements de pratiques. On pourrait croire que le déchet est une simple question technique, mais c’est aussi une construction sociale : il reflète nos pratiques, nos valeurs, notre rapport à l’environnement et suscite des interactions sociales, des conflits. Chez SUEZ, cette science a d’abord été appliquée aux sujets de l’eau notamment avec les questions de précarité hydrique, des écogestes. Petit à petit, l’application aux déchets est venue s’ajouter, avec la montée du tri à la source et les actions de prévention des déchets auprès des usagers.
Comment fonctionne le LyRE, le Centre de Recherche et d’Excellence de SUEZ ?
Au LyRE, nous sommes dans une démarche d’open innovation à travers le soutien et la coordination de projets de recherche autour des enjeux de la gestion de l’eau et des déchets. Les retours terrain des exploitants, qui sont en lien direct avec les entreprises ainsi que les institutions publiques ou privées, orientent les choix des thématiques pour ces projets de recherche à lancer. Le centre est composé de divers profils d’experts : experts métiers, ingénieurs, data-scientists, écotoxicologue... Dans mon équipe, je travaille à la fois avec des experts en économie comportementale, en sémiologie ou en sociologie par exemple. Selon les besoins des projets, les équipes peuvent apporter des connaissances théoriques nécessaires au démarrage du projet, mettre en place une méthodologie dans le cas d’enquêtes ou de sondage par exemple, mais aussi recommander des outils, expérimenter et réajuster selon les résultats observés. Ce croisement des disciplines est très complémentaire, cela nous permet de construire des réponses plus fines et plus adaptées aux enjeux de chaque territoire.
Les collectivités sont de plus en plus nombreuses à faire appel à des études sociologiques avant de mettre en place leur stratégie déchets, qu’est-ce que ces dernières apportent-elles de nouveau ?
Nos études donnent un éclairage complémentaire à l’approche technique de la gestion des déchets dans le cadre de projets menés avec et pour les collectivités. C’est une vraie valeur ajoutée pour les collectivités à qui on apporte une compréhension approfondie des usages et des profils des citoyens pour les accompagner au plus près dans leurs stratégies de prévention et de sensibilisation, prioriser avec eux les actions et cibler les bons leviers de changement. Des zones urbaines ou rurales, aux habitats collectifs, les études sont très variées ; elles concernent des sujets comme le tri à la source, la réduction des déchets, le remploi, les actes de consommation et d’achats, le parcours usagers sur un site, les incivilités, les dépôts sauvages ou encore l’acceptabilité des riverains vis-à-vis d’un projet de construction d’un site par exemple.
Concrètement, comment accompagnez-vous les collectivités chez SUEZ ?
Nous proposons différentes formes d’intervention. Sous forme d’assistance technique, nous répondons à des besoins très précis, comme le baromètre du tri.
Nous réalisons chaque année auprès des habitants du territoire du Syndicat Pic et Etang, dans le cadre du contrat d’exploitation de l’Unité de Valorisation Energétique (UVE) de Lunel-Viel (34), qui intègre un objectif de baisse du tonnage de déchets traités en incinération d’ici 10 ans. Chaque année à travers une enquête sociologique, nous mesurons l’évolution des comportements et l’impact des actions menées en local.
Sous forme de support lors des phases d’appel d’offre comme pour la Communauté d’Agglomération du Grand Montauban, nous avons été sollicités pour mener une étude sociologique auprès des habitants à travers un questionnaire partagé à un échantillon représentatif des habitants. L’objectif était de comprendre les pratiques des usagers mais aussi leurs connaissances sur la gestion déchets, le tri et la réduction des déchets afin d’identifier les bons leviers à mobiliser dans le cadre du programme d’actions de prévention (communication, dispositifs, services…) proposé dans cet ambitieux contrat de performance.
Un autre exemple, avec les projets d’innovations que nous portons pour le Groupe pour faire progresser nos métiers, les rendre toujours plus performants et différenciants. Il s’agit d’expérimentations menées sur des territoires en lien avec les opérateurs SUEZ en local (responsable d’exploitation, équipiers de collecte, ambassadeurs du tri…) et réalisés sur un temps plus long (entre 8 mois et 1 an). Ce type d’accompagnement a été mis en place sur le territoire de la métropole du Grand Lyon, où SUEZ a lancé une expérimentation sur l’année scolaire 2024-2025 avec des résidences étudiantes du CROUS et le soutien de la Banque des Territoires dans le but d’accompagner les étudiants dans le geste de tri des déchets, en le rendant plus intuitif et accessible. Après une phase d’écoute et d’échanges, les équipes du LyRE et les équipes d’exploitation en local (chef de collecte, chargé de projet, ambassadeurs du tri), ont co-construit et déployé des outils adaptés (outils adaptés (bac à déchets, dispositif d’affichage, guide du tri…) dans les logements des étudiants afin que ces derniers puissent les tester pendant plusieurs semaines. Lors des collectes, la qualité du tri des résidences est analysée ; nos équipes du LyRE et les équipes locales, suivent de près ces résultats et poursuivent les échanges avec les étudiants afin d’ajuster les solutions tout au long de l’année pour gagner en efficacité. Ce type d’expérimentation permet ainsi d’enrichir les retours d’expériences, mais aussi nos offres et de déployer, à plus grand échelle, les actions qui se sont montrées efficaces.
Pour sensibiliser à la réduction des déchets, améliorer le tri et le réemploi, la compréhension des usagers et des complexités d’un territoire est donc la clé d’entrée vers le changement ?
La montée en puissance de contrats alternatifs comme le modèle du contrat de performance de gestion des déchets encourage les collectivités à déployer plus de moyens sur la prévention auprès des citoyens. L’usager est vraiment au cœur de la transition écologique. Si l’on veut réussir collectivement, il est essentiel de comprendre comment les citoyens pensent, agissent, évoluent. Et pour ça, il faut écouter, observer, tester et parfois... déconstruire nos idées reçues ! Nos équipes sur le terrain sont aussi un maillon indispensable pour favoriser l’adoption de nouveaux comportements des usagers.